_____Quel monde de merde.

_____Je suis assis sur le banc d’un parc dont je ne me souviens même pas le nom. Après tout, je m’en fous. Je claque la langue contre mon palais en signe d’agacement, me demandant pourquoi je suis venu. C’est vrai ça, pourquoi ? Je n’ai rien à y faire.

_____Je me rappelle être sorti pour marcher, ou peut-être était-ce pour ne plus avoir sous mes yeux n’affichant pourtant que l’indifférence, la vision de mon père s’enfilant les bouteilles de vins de la cave, encore, et encore. Ça commençait par un verre. Puis un autre. Avec à chaque fois, la même phrase ponctuant le remplissement du cristal ; « celui-là, c’est le dernier ». Après ça, venait les insultes envers ma mère, et les questions sur le pourquoi du comment ils en sont arrivés là.

_____J’y assiste toujours. Je ne dis rien, je me contente de le fixer, mais je crois que ça l’énerve. Je me demande pourquoi. Peut-être parce que mon expression est si vide, si dénuée d’émotion qu’il se rend compte un peu plus brutalement à chaque fois que je ne suis plus celui qu’il avait connu. Pourtant, il ne pipe mot. Simplement, il finit par pleurer et se lamenter.

_____Et d’aussi loin que je me souvienne, je n’ai jamais rien fait. Je suis toujours resté là, assis sur la chaise, mon regard détaché scrutant l’esprit détruit de la personne face à moi.

_____Je suis brusquement ramené à moi-même lorsqu’un chien aboie près de moi. J’ai un grognement agacé quand je me rends compte qu’en fait, c’est sur moi qu’il aboie.

_____« Qu’est-ce que tu veux toi ? » ai-je sèchement lâché, jetant un coup d’œil au sandwich à côté de moi. Ouais, c’est sûrement ça, qu’il veut. Les chiens, c’est vraiment des mendiants. Ils sont où, ses putains de proprios ? Et justement, une jeune femme se dirige vers moi, l’air affolée sans vraiment se précipiter. Elle appelle son chien, Eros, il me semble — mais quel nom de merde, mon dieu — et s’arrête à côté de lui, le grondant gentiment.

_____« Excuse-moi, » articule-t-elle alors que nos regards se croisent, « notre chien n’est pas encore dressé. »

_____C’est ça, fait genre t’es désolée, grogne ma conscience ; parce que c’est ce que tout le monde fait, n’est-ce pas ? En réalité, ils s’en foutent bien, de ce que l’on pense. Eux seuls comptent. Mais je ne fais cas de rien et j’esquisse un sourire forcé — qu’elle ne semble pas repérer —, lui assurant que « c’est bon, c’est pas grave, ça arrive ». Elle n’en demande pas plus et s’en va en attachant une laisse à son chien, le tirant derrière elle. C’est ça, casse toi, poufiasse, crache-t-elle encore. Je la suis du regard, et remarque les enfants en bas âges et l’homme qui l’entourent. Je grimace. Quelle famille banale. Quelle vie ennuyante.